Sur les réseaux sociaux, une liberté encadrée ?
En France, les réseaux sociaux sont souvent présentés comme des espaces de liberté absolue. Mais la liberté d’expression est malgré tout régie par la Loi : il n’est pas possible d’écrire tout ce que l’on veut, y compris sur ces plateformes en ligne.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, il n’a jamais été aussi simple de s’exprimer et de diffuser des idées auprès d’une large audience mondialisée et de tous âges. De ce point de vue, les réseaux sociaux ont directement contribué à accroître notre liberté d’expression. Mais avant de prendre la parole sur les réseaux sociaux il est essentiel de garder à l’esprit que des mécanismes encadrant la liberté de parole existent.
Facebook, Twitter, TikTok… toutes les plateformes prévoient des conditions générales d’utilisation (CGU) qui doivent être acceptées avant de pouvoir s’inscrire et d’utiliser leurs services. De ce fait, l’usager adhère à l’ensemble des dispositions contenues dans ces CGU et accepte que ses propos puissent être modérés, lorsqu’ils ne respectent pas la charte d’utilisation interne à la plateforme. Si certains propos peuvent conduire au bannissement dans le monde virtuel, ils peuvent également être condamnés dans le monde réel. En effet, le législateur encadre lui aussi la liberté d’expression sur internet.
Liberté d’expression sur les réseaux sociaux : que dit la loi ?
Actuellement, il n’existe aucune législation spécifique aux réseaux sociaux en France. Cependant, ils constituent des espaces publics à part entière, auxquels s’applique le droit d’auteur, le droit à l’image - sujet précédemment abordé sur avocat.fr - ou encore la liberté d’expression. Un internaute pourra donc s’exprimer librement sur ces plateformes, à condition qu’il n’enfreigne pas ces grands principes.
En termes de liberté d’expression, nous pouvons d’abord citer l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui reconnaît à tout individu le droit à « la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
Nous pourrions donc concevoir que la liberté d’expression sur les réseaux sociaux soit régie par la DUDH, cependant elle ne peut être invoquée directement devant un tribunal en cas de litige. En Europe, le texte d’application directe s’agissant de liberté d’expression sur les réseaux sociaux peut se trouver dans l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe (CEDH) qui précise que : « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression... ».
Une attention toute particulière est portée à la tenue de propos haineux et à l’incitation à commettre des actes violents sur les réseaux sociaux. Dès lors que l’utilisateur publie ou republie un contenu comportant des propos haineux ou des actes violents en toute connaissance de cause, il peut être poursuivi pénalement. À ce titre, l’article 421-2-5 du Code pénal, intégré dans le chapitre consacré à la lutte contre le terrorisme, dispose que : « Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne ».
Usurpation d’identité : lutter contre le vol d’identité numérique !En vue de responsabiliser leurs utilisateurs, les plateformes les incitent désormais à utiliser leur identité civile et à ne pas recourir à des pseudonymes. Si certains peuvent être tentés de contourner ces règles en créant de faux profils reprenant des informations communiquées par une autre personne, il s’agit-là d’une démarche répréhensible. En effet, lorsque l’identité d’un tiers ou des éléments permettant de l’identifier sont repris, il s’agit d’une usurpation d’identité « numérique ». Cette pratique est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende par l’article 226-4-1 du Code pénal. |
Les « fake news », de plus en plus répandues
Nouvelle constituante de la vie politique, les réseaux sociaux sont devenus un canal important de diffusion de fausses informations, aussi connues sous le terme anglais de « fake news ». D’un point de vue pénal, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui réprime notamment la diffamation et l’injure, s’applique sur les réseaux sociaux en cas de partage de fausses informations.
- Cette sanction est de 45 000€ d’amende pour toute publication, diffusion ou reproduction de fake news lorsque la paix publique est troublée ou susceptible de l’être.
Chacun a le droit au respect de sa vie privée*" : l’article 9 du Code civil est clair concernant la falsification d’un aspect de la vie privée. Cela concerne toute atteinte portée au droit au nom, à l’image, à la voix, à l’intimité, à l’honneur et à la réputation, à l’oubli, à sa propre biographie). En France, une loi « manipulation de l'information », dite loi « fake news » a ainsi été promulguée en décembre 2018 pour lutter contre la manipulation de l’information.
Sur le plan politique, si une fausse nouvelle est diffusée massivement et est susceptible de troubler la sincérité d’un scrutin, une action judiciaire en référé est possible afin d’interrompre rapidement la publication. Également, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) peut aussi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de programmes TV provenant d’une influence étrangère et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Un droit à l’oubli numérique pas si aisé
Réfléchir à ce que l’on peut publier sur les réseaux sociaux est un enjeu d’autant plus important que sur internet la rémanence est très forte. Et faire valoir son droit à l’oubli n’est pas toujours évident.
Qui n’a pas un jour regretté la publication d’une photo, d’un post ou d’une vidéo sur les réseaux sociaux ? Il est possible de demander la suppression d’un contenu mais cela est parfois complexe et la procédure à suivre peut s’avérer longue.
En France, tout citoyen a le droit à l’oubli numérique ou le « droit à l’effacement » comme le prévoit l’article 17 du règlement général sur la protection des données. Ce droit permet à un individu de demander l’effacement d’une information en ligne qui la concerne, notamment lorsqu’il n’existe plus de raison légitime pour les conserver.
Par ailleurs, l’internaute peut également bénéficier du droit au « déréférencement ». Cela lui permet de supprimer certains résultats de recherche associés à son nom et prénom en formulant une demande à un moteur de recherche comme Google par exemple. Il faut noter que dans ce cas, le déréférencement ne signifie pas l’effacement de l’information sur le site internet d’origine, mais que le moteur de recherche n‘affichera plus cette information dans ses résultats de recherche.
Si vous souhaitez déréférencer une information personnelle, la CNIL met à votre disposition une liste des principaux formulaires de demande de déréférencement des moteurs de recherche. Toutefois, le droit au déréférencement n’a aucun caractère automatique et les moteurs de recherche ne sont pas toujours tenus d’accepter une demande.
> En savoir plus
Pour aller plus loin
> Le gouvernement édite un guide des questions à se poser face à une information : https://www.gouvernement.fr/fake-news-guide-des-questions-a-se-poser-face-a-une-information
> Mieux comprendre la loi relative à la manipulation de l'information : https://www.vie-publique.fr/loi/21026-loi-manipulation-de-linformation-loi-fake-news
> Le média Le Monde a mis en place la plateforme participative 'Les Décodeurs' pour vérifier l'information : https://www.lemonde.fr/blog/decodeurs/
> L'AFP a mis en place sa plateforme de vérification de l'information : https://factuel.afp.com/
*Rappelons que le Conseil constitutionnel a donné droit à la vie privée valeur constitutionnelle depuis le 23 juillet 1999 sur le fondement de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen