Qu’est-ce qu’un abus de position dominante ?
Forte de sa puissance économique sur un marché déterminé, une entreprise peut avoir la tentation d’en abuser pour fausser, à son profit, le jeu de la concurrence.
C’est un délit lourdement sanctionné.
Qu’est-ce qu’une position dominante ?
Dans un système de concurrence vertueuse, une entreprise ou un groupe d’entreprises développe ses stratégies dans le respect de ses concurrents, de ses partenaires, de ses fournisseurs et de ses clients. Elle peut ainsi, grâce à la qualité de ses produits, de ses prestations, de son réseau de distribution, de sa politique commerciale, de son avance technologique, acquérir une puissance économique qui la place en position de dominer le marché et de s’affranchir des règles de la libre concurrence.
Rien de répréhensible en soi à ce qu’une entreprise occupe une telle position. Ce que la réglementation européenne comme le droit français prohibent et sanctionnent, c’est le fait d’abuser de cette position pour se livrer à des pratiques anticoncurrentielles en imposant unilatéralement ses conditions à la concurrence et à ses clients.
Qu’est-ce qu’un abus de position dominante ?
L’abus de position dominante est une infraction qui se caractérise par la réunion de trois conditions :
- une position dominante sur un marché spécifique, c’est-à-dire l’importance des parts de marché que détient l’entreprise, mais aussi la production de solutions innovantes qu’elle est seule à produire ou la notoriété des marques qu’elle commercialise qui la place en situation de quasi-monopole ;
- des pratiques abusives ;
- la volonté de restreindre ou d’évincer la concurrence. Ces pratiques doivent avoir un effet anticoncurrentiel réel ou potentiel.
Quelles sont les pratiques considérées comme abusives ?
Les articles L. 420-2 et suivants du Code de commerce en donnent une liste non exhaustive. Citons notamment :
- Le refus de vente entre professionnels, afin de limiter ou d’exclure la concurrence et de renforcer sa position sur un marché déterminé.
- La vente de produits liés : elle peut constituer un abus de position dominante quand elle a pour but de limiter la concurrence, notamment en créant une clientèle captive à laquelle on n’offre pas le choix de dissocier ses achats (par exemple, exiger des partenaires l’acceptation de prestations supplémentaires qui n’ont pas de lien avec l’objet des contrats).
- Les prix très bas ou excessifs : une entreprise ou un groupe d’entreprises favorise artificiellement la baisse ou la hausse des prix afin de capter la clientèle de ses concurrents et de les éliminer à terme.
- La fidélisation abusive : l’entreprise applique des conditions tarifaires discriminatoires afin de favoriser certains clients et en défavoriser d’autres.
- Les conditions de ventes imposées à un partenaire sous peine de rupture commerciale s’il refuse de s’y soumettre.
- L’entente commerciale : plusieurs entreprises, seules à fabriquer le même produit ou à fournir la même prestation, s’entendent pour fixer et imposer les mêmes prix sans laisser jouer la concurrence.
- La concentration d’entreprises : elle constitue un abus lorsque la fusion a pour but, en donnant naissance à un groupe puissant, de dominer le marché et d’imposer sa loi.
- L’exploitation d’un état de dépendance économique. Dans ce cas, l’entreprise en position de dépendance n’a pas d’autres choix que de se soumettre aux conditions imposées par l’entreprise dominante.
Quelles sont les sanctions de l’abus de position dominante ?
Devant l’Autorité de la concurrence
L’Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante chargée de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, est compétente pour enquêter, de son propre chef ou sur plainte d’un acteur économique, sur les faits susceptibles de constituer un abus de position dominante. Elle peut prononcer, à l’encontre de l’entreprise auteur de la pratique anticoncurrentielle, une injonction d’avoir à se conformer aux règles normales de la libre concurrence ou lui infliger une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires hors taxes selon la gravité des faits et des dommages occasionnés. L’Autorité de la concurrence peut également prononcer une astreinte, une amende de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes journalier par jour de retard pris dans la cessation des pratiques prohibées.
Par exemple, un délai de 90 jours est accordé à une entreprise pour mettre fin à ses pratiques prohibées, avec application d’une astreinte : si elle ne se met en conformité avec la loi qu’au bout de 98 jours, elle devra payer l’astreinte pour les 8 jours de retard qu’elle a mis à se conformer aux demandes de l’Autorité de la concurrence.
Devant les tribunaux
- Au civil
Un concurrent s’estimant lésé par les pratiques abusives d’une entreprise peut la poursuivre devant la juridiction civile pour concurrence déloyale et réclamer des dommages et intérêts au titre de sa responsabilité civile. - Au pénal
L’abus de position dominante est un délit puni d’un emprisonnement de 4 ans et d’une amende de 75 000 € pour toute personne physique qui prend frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre de pratiques aboutissant à une position dominante abusive.
Par exemple, quatre directeurs de société s’entendent pour mettre au point des techniques considérées comme étant de l’abus de position dominante : ils pourront être condamnés à cette peine d’emprisonnement et/ou à cette amende.
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